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MICHEL CAND ET LA MALADIE DE L'ETERNITE

L'anthitèse spectaculaire que met en jeu le titre du recueil de MICHEL CAND :"Psoriasis de l'Eternité" peut inquiéter ! Comment gérer, digérer en notre âme (et conscience) cette antithèse mettant aux prises le plus sordide sème relevant du champ lexical de la matière avec un sème relevant du champ lexical de la Spiritualité ?

Ne retrouve-t-on pas cette double tendance que met en  jeu le deuxième Romantisme, théorisée par Baudelaire et déjà mise en scène dans l'audacieux titre : "Les fleurs du Mal", dans de nombreux recueils dont le plus attachant est très certainement "Le charnier déductif" de HUBERT HADDAD.

 

La société industrielle , idolâtre de la Science, se déprend du Mythe et du Rite. Ainsi, elle s'exclut de l'Humanité toute entière, vit la Mort dans un total déni et s'abandonne à tous les divertissements (au sens pascalien) possibles ! Ces divertissements constituent de dérisoires pansements sur la plaie béante qui ne cesse d'harceler l'homme-animal , devenu pur accident de l'évolution .

Les Surréalistes, en imaginant ce point de l'Esprit où  cessent d'être perçus les contraires, ont tenté de subvertir la dialectique de Marx qui n'est rien de plus que la perspective hegelienne renversée.

Cette position surréaliste est certainement la plus séduisante, mais est-elle tenable ?

 

Dans un défi (ou une ironie ? ) dont on lui sait gré, MICHEL CAND sous titre son Recueil "Elévation".

La référence à BAUDELAIRE, ici, se précise : Le troisième poème des "Fleurs du Mal" , qui succède  au célèbre "Albatros", s'intitule "Elévation".

Ecoutez encore la troisième stophe :

 

"Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;

Va te purifier dans l'air supérieur,

Et bois, comme une pure et divine liqueur,

Le feu clair qui remplit les espaces limpides."

 

Alors, avec MICHEL CAND, éloignons-nous des "miasmes morbides" du psoriasis, élevons-nous dans le Poème et partageons le "feu clair"

 

Lorque nous ouvrons le recueil, nous sommes loin de la perspective Romantique que pouvait annoncer le titre.....avec une dérision douloureuse tellement évidente.

Nous avons pris conscience avec LYOTARD que le temps des grands récits est terminé. (La condition postmoderne). C'est une vision, à mon avis, beaucoup trop ethnocentrique et sans doute liée à une phase historique précise. Mais c'est, pour le moment, notre lot.

L'analyse des "fractales" et le modèle de la physique quantique, dans le domaine des sciences dures, ont remis en cause notre perception du Réel.

La mise en lumière du Haïku et de sa subtile technique a fortement impressionné les Poètes contemporains qui, déçus par leur Tradition désublimante, sont allés chercher leur métaphysique ailleurs.

Je pense, comme MICHEL BUTOR, invité à la Librairie de Paris, que le Net va profondément transformer nos pratiques d'écriture.

Comme il le souligne, le traitement de texte suscite quantité de pratiques (Citations, déplacements, condensations, etc..) qui vont transformer profondément la Littérature.

J'ajouterai, de plus, que le "statut" de "Facebook", avec ses contraintes, sociales et spatiales peut être "travaillé" comme une matière soumise à l'élaboration artistique .

Et puis, MICHEL CAND est sculpteur. Comme l'a fait remarquer PIERRE CLAVILIER, son précédent préfacier, lui-même écrivain, il SCULPTE son texte ! C'est d'ailleurs ce qui m'est apparu à la première lecture, à moi aussi.

Nous avons donc affaire à des textes brefs, des fragments.

 

Ces textes brefs, ces fragments, n'ont pas perdu toute leur antique vertu de pavés. Ils transmettent une salutaire philosophie qu'on ne peut qu'approuver:

 

"Il est seul

à jamais

il le sait

comme les autres

avec les autres"

 

"Entre la vérité

et sa vérité

il s'enlisait

s'escrimant à rejoindre

l'une ou l'autre rive"

 

 

Ces pavés sont minutieusement ciselés. Michel CAND les écrit, les décrit, les décrie, les réécrit sur le long terme et ne se trouve satisfait que lorsque la matière sort de ses gonds, de ses gangues. Comme si l'Idée demeurait le noyau-soleil du fruit sauvage qu'il faut exalter.

Il n'en reste pas moins que, dans la vie, MICHEL CAND n'a rien d'un austère esthète, fonctionnaire du Beau, mais qu'il apparaît comme un homme très sensible, chaleureux, ouvert à l'Autre et au Monde et même -c'est sous ma plume un éloge ! - Romantique !

 

Homme de grande écoute et de communication, il est bien impliqué dans la vie professionnelle comme dans la Vraie Vie. Comme moi, si j'en crois ma lecture, il n'écrit pas seulement pour le "cercle des petits Poètes compassés" qui constituent notre très éphémère élite. Il écrit pour ses frères humains que le Désir guidera vers son livre. Même si, comme beaucoup de nos contemporains échaudés, ils détestent la Poésie, ils se sentiront brusquement séduits !

 

En tant que Poète, Cririque et Comédien, j'aurai toujours grand plaisir à porter ces textes, d'une grande rigueur et d'une grande limpidité, proches des meilleurs poèmes de Vian et de Prévert. C'est ce qu'il faut offrir au "public"  pour lui rendre enfin le goût de la Beauté, de la Liberté et de l'Humanité.

 

 

 

 

 

Dominique   Gabriel      NOURRY

 

 

 

 

 

MICHEL CAND : "Psoriasis de l'éternité  Elévation" Rafael de Surtis Editions   (Collection : "Pour une terre interdite" )



17/11/2010
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