A MA GRAND-MERE
Pour Marie-Louise D.
le mercredi 26 octobre 1989
Dans la pleine lumière
du jour
une tranchée de ténèbres
j'ai rencontré ton regard
éteint
je te porte
à présent
comme tu m'as porté
tu n'es pas
la jonchée
de ce corps
où se confond l' espace
mais ce souffle
au fond de moi
cette vague
cette parole
qui m'accompagnera
désormais
toujours
il était donc dit
que tout
de notre histoire
serait dispersé
que nous n'aurions
pas même droit
à cette mémoire
dont se distraient
les hommes
qu'importe
tu m'as voulu
vivant
lorsque je ne désirais
que la mort
me voici
je vivrai donc
et transmettrai la vie
puisque ce fut
ton plus intime
vouloir
même si
comme toi
souvent j'appelle
la nuit
et l'inconscience
et le repos
même si
trop souvent
je suis las
même si
trop souvent
je rêve
du ventre
de la terre
et du voyage
immobile
du navire
cercueil
où es-tu
sans doute
nulle part
je ne te reconnais plus
dans le frêle esquif
de ton corps
déchiré
ma si douce
ma chérie
comme j'aimerais
serrer dans mes bras
encore
la chaleur de ta vieillesse
mais voici
sur le pas de la porte
où se dissipent
les jours
je tends
sans espoir
les mains
je ne te dirai
plus jamais
à demain
Je t'aime
mais nous fûmes
ce passé
qui surgit encore
dans les décombres
de mon poème
viens t'y blottir
viens y cacher
toutes les richesses
de ton coeur
car vois-tu
jamais
dans cet ultime refuge
les pillards
n'auront accès .
Dominique Gabriel NOURRY