ANNIE LE BRUN : UNE VOIX DANS LE NOIR
Si les Surréalistes, en leur prime jeunesse, se montrèrent fascinés par "les champs magnétiques", ANNIE LE BRUN qui perpétue leur Tradition avec élégance et passion, s'interroge sur ces mystérieux trous noirs qui menacent aussi bien notre Cosmos que notre Inconscient. L'anti-matière, plus ou moins visible à nos yeux, met en péril l'épanouissement de la matière. De ce processus ressurgissent intacts l'érotisme et l'imagination.
Si "rien" à la forme du livre d'ANNIE LE BRUN, "tout", à peu près semble superflu. Etrangement, j'ai trouvé cet ouvrage au rayon "philosophie" de la librairie. Pour moi, il s'agit d'un poème au long cours, même si certaines grandes figures de la Philosophie s'y trouvent remises A LEUR PLACE. Je n'ai pas la compétence suffisante pour évaluer la remise en cause de HEIDEGGER mais elle me semble vraisemblable.
Les "sources noires" qui remettent en cause notre positivisme sont multiples. Elles nous atteignent depuis les rites des "sauvages", depuis les dispositifs du MARQUIS DE SADE, depuis les animaux eux-mêmes. Sont-elles équivalentes ? De notre point de vue, sans doute, puisqu'elles nous déstabilisent également. Salutairement.
Mais où nous situons-nous ? Où se situe l'Auteur, l'Observateur ? La physique quantique nous a habitués à nous poser ce genre de questions et il est bon de s'interroger, non contre l'oeuvre d'ANNIE LE BRUN, mais dans son sillage.
Le "noir", n'est-ce pas l'homme occidental, promoteur de la société industrielle qui, partout, s'impose aux détriment de multiples sensibilités, ce qui ne va pas sans répercussions tout à fait regrettables.
Le souci d'ordre, s'il est dans une certaine mesure honorable se mêle beaucoup trop de tout coloniser. Je partage les colères d'ANNIE LE BRUN, même si, dissident jusqu'au bout, j'ai mis du -GRAND- JEU dans mon Surréalisme. Par exemple, le "Musée des Arts Premiers", si peu sensible aux fins dernières qui obsèdent les "Sauvages", m'exaspère. Les classements de DESCOLA sont décidément trop scolaires.
Le "blanc" est, partout, cet "étranger" que CAMUS mit si bien en scène. Il est vécu tantôt comme divin, tantôt comme bestial, il est de toute façon exclu, ne serait-ce qu'en raison de son curieux athéisme (qui se "déplace" pourtant dans le culte du Progrès ou de l'Art), même lorsqu'il est puissant et semble tout maîtriser. Amoureux de ses instruments, il semble devoir se trouver lui-même instrumentalisé.
La référence aux Anciens et notamment au mythe de DIANE et d'ACTEON est révélatrice mais le Breton que je suis, flatté d'avoir croisé CHATEAUBRIAND aux avant-postes de notre nouvelle sensibilité, déplore tout de même l'absence d'une certaine "Braise au trépied de Keridwen". Ne sommes-nous pas, aussi, "étrangers à nous-mêmes" ?
(Nous avons aussi lu la Bible : pas question de le refouler !)
Ces quelques réserves ne remettent pas du tout en question la portée subversive du poème-essai d'ANNIE LE BRUN qui surplombe, au niveau vital et esthétique, la misérable "rentrée littéraire" qu'on nous a infligée !
Dominique Gabriel NOURRY
ANNIE LE BRUN : "Si rien avait une forme, ce serait cela" (Gallimard)
"Les grands bardes gallois"
Traduction, présentation et notes de
JEAN MARKALE
Précédé de
"Braise au trépied de Keridwen"
par ANDRE BRETON
(Falaize, 1956)
DIDIER OTTINGER : "Surréalisme et mythologie moderne
Les voies du labyrinthe
d'Ariane à Fantomas"
(Arts et artistes Gallimard, 2002)
PHILIPPE DELAVERGNE : "André BRETON et le mythe"
(Librairie José Corti, 1985)
DOMINIQUE GABRIEL NOURRY
JULIEN GRACQ : "Le Roi Pêcheur"
Maîtrise de Lettres - Etudes Théâtrales
Sous la direction de
JACQUELINE DE JOMARON
PARIS X - NANTERRE
(1973)
DOMINIQUE GABRIEL NOURRY
"Mythes et pratiques de la Civilisation Surréaliste"
D.E.A. - Arts de la scène et du spectacle
Option Théâtre
Sous la direction de
PHILIPPE TANCELIN
PARIS 8 - SAINT-DENIS
(Juin 2002)
(Ces deux mémoires sont inédits)