BLEU
Bleu
Je suis née au bord de « la grande bleue ».
Petite, mon frère me chantonnait « Méditerranée »
Mais chez moi, personne n’avait les yeux bleus.
Comme cela est étrange, pourquoi dans les pays aux cieux azur,
à la mer si bleue, rares sont les yeux qui riment avec les lieux ?
Mon fils a un magnifique regard gris bleu vert
Avec lui, j’ai bien trop de bleus à l’âme.
Il a dit-on hérité des yeux de sa grand-mère Hermine
Qui a péri avec tous les siens dans les flots rouges
Du beau Danube bleu
Poussés par des uniformes vert-de-gris.
Longtemps, j’ai poussé aux pieds de la ligne bleue des Vosges.
Et du grès rose.
Ma mère était douce et triste
Tandis que mon père était souvent bleu de colère.
Maladroite, je me cognais à la vie et n’arrêtais pas de me faire des bleus .
Chez moi, on ne mangeait pas le bifteck bleu.
Il fallait beaucoup de sel et de temps pour sécher les larmes
Bleuâtres où trempait la viande sanguinolente.
J’ai beaucoup aimé le film d’Eric Rohmer intitulé «L’heure bleue »
L’héroïne, cette jeune fille un peu « fleur bleue »,
est en attente de ce moment magique avant le lever du soleil.
Avec mon amie d’enfance, nous cueillions
Des après-midi entières des bleuets dans les champs.
Sa précense était toujours un coin de ciel bleu
Elle avait les yeux bleu-vert , lavande ou pervenche, je ne saurai dire
A l’époque, c’était tout mon horizon.
Plus tard, j’ai aimé aussi des hommes pour leurs yeux bleus.
L’un venait d’Outre Mer.
Iris de mer d’Iroise ou chêne de Brocéliande avec des lueurs d’écureuil
Je n’ai jamais voulu approfondir toutes les nuances des bleus et des hommes.
Je voulais seulement me noyer dans leurs regards célestes
Et jouer avec les vagues bleus coquines
Sur lesquelles, je glissais inlassablement…
Eva Hadas-Lebel