D'ici Dance

ERIC CHARTIER , LE RHAPSODE AMI DE JULIEN GRACQ

Fasciné depuis mon adolescence par le SURREALISME, je me suis très vite intéressé à JULIEN GRACQ  qui est l'auteur d' un ouvrage très sensible sur ANDRE BRETON .

 

J'ai d'abord aimé " Un beau Ténébreux " qui évoque le thème du suicide qui m'a toujours, pour des raisons que je n'évoquerai pas ici, fasciné .

Ensuite, sensible à la "matière de BRETAGNE " , je me suis délecté des étranges Amours qui se trament " AU CHATEAU D'ARGOL " et des hésitations de PERCEVAL davant la haute stature du " ROI-PECHEUR " .

 

Je suis allé à ARGOL . Je n'y ai pas trouvé de château mais plusieurs tombes au nom de NOURRY !!!

 

Indice déterminant !!! Mon Mémoire de Maîtrise a pris pour sujet la pièce sur le GRAAL  ( Etudes Théâtrales de Paris X, 1973 )   .

 

Evidemment, dans cette démarche, j'ai lu tous les livres de GRACQ .

De toutes les oeuvres de Fiction, outre " UN BEAU TENEBREUX " , ma préférence m'a porté vers les "nouvelles" de la " PRESQU' ILE " .

 

Pour autant, je n'ai pas négligé "UN BALCON EN FORET " qui présente une image de la Femme-Enfant chère aux Surréalistes tout à fait TROUBLANTE !!!

D'ailleurs, en réalité, face à ce genre de Femme subtile et fine comme une Fée, c'est l' Homme, ce grand dadais imbu de lui-même qui fait l' Enfant !!!

 

 

 

 

Au mois d'avril dernier, tandis que je me promenais au marché d' ALIGRE avec mes Amies  Mary et Eva, mon regard à été capturé -au vol !!! - par un Fly :

 

THEATRE DE L'ILE SAINT-LOUIS - PAUL REY

 

JULIEN GRACQ

UN BALCON EN FORET

 

La  "drôle de guerre" - l'amour - la mort

 

Mis en voix par ERIC CHARTIER

 

 

 

 

 

 

Quelques semaines plus tard -le 2 mai-, je viens écouter une lecture de DANIEL MESGUICH au CARROUSEL du LOUVRE .

Afin de joindre l'utile à l'agréable, j'apporte une liasse de mes propres fly pour élargir mon public .

Un concurrent -sympathique et souriant - se trouve à l'entrée : Eric CHARTIER !!!

 

Un homme de belle allure -et d'un certain âge, comme moi !!!-solide et d'apparencd sensible à la fois .

 

Ce Comédien qui fait sa "publicité" tout seul, loin des media, m'impressionne : ce ne doit pas être le genre d'homme qui se compromet avec n'importe qui . Et ça, évidemment, ça me plaît !!!

 

Fin mai, nous nous retrouvons au MARCHE DE LA POESIE , dans la même situation .

Nous parlons un peu . Il est courtois, chaleureux .

Malgré toutes les expériences théâtrales désastreuses de ces dernières années que j'ai dû supporter, je lui promets de venir voir son spectacle .

 

 

 

 

Je me rends donc au THEATRE DE L' ILE SAINT-LOUIS à la mi-juin , quelque peu dubitatif : le texte de GRACQ, qui ne se livre guère aux facilités auxquelles sont habituées " LES ANNEES LIGHT " doit être difficile à faire "passer" .

De plus, les Comédiens Contemporains - comme les Ecrivains - sont souvent si soucieux de ne pas s'abandonner au lyrisme qu'ils vivent comme emphase se cassent en litote et neutralité et se révèlent aussi ennuyeux que la pluie le dimanche, sur une ville de province !!!

 

Un bon signe, pourtant : au verso du fly figure une appréciation de TELERAMA : ERIC CHARTIER est qualfié de "drôle de phénomène " Sa mise en voix -et en corps- est " tout à fait surprenante "

Rien de ce qui surprend TELERAMA ne peut me laisser indifférent !!!

 

Mieux qu' un "phénomène" , ERIC CHARTIER, c'est un Homme debout, un vrai Comédien comme on n'en voit plus beaucoup !!!

 

La transe du texte -évidemment réduit pour la représentation !!! - le traverse !!! Il rugit, mumure, frissonne et rebondit !!!

Je pense aux gamins de banlieue que j'ai bien connus : public sans concessions qui n'hésiterait pas à huer nos ennuyeux préchi-prêcheurs des cours de Théâtre !!!

ERIC CHARTIER, sans nul doute, ils l'acclameraient, comme je l'acclame,  sans concessions !!!

 

 

 

Après le spectacle, je vais le voir ;

Il est affable et loquace .

Il m'explique qu'il a fréquenté GRACQ plusieurs années .

Je lui propose un entretien .

Il accepte .

 

 

 

Nous nous sommes retrouvés au WEPLER, place CLICHY, le 4 juillet .

 

Eric CHARTIER m'explique que Julien GRACQ était au courant de son projet d'adaptation du récit -ce qui l'avait, dans un premier temps surpris, mais que le projet n'avait trouvé son aboutissement qu'au-delà de sa mort .

Sa bienveillance s'est toutefois exprimée à travers la dédicace du livre :

 

" A Eric CHARTIER dont la voix réaccorde le public à la littérature " ( 14 mars 2007 ) .

 

 

 

Eric CHARTIER a d'abord exercé ses talents de Rhapsode aux Etats-Unis où malgré -ou à cause !!! - de l'atmosphère derridienne ambiante, il a rencontré un réel succès .

C'est à NEW-YORK , dans les années 80, qu'il a eu vent du " BALCON EN FORÊT" de JULIEN GRACQ  et surtout de " LA FORME D'UNE VILLE " très séduisant ouvrage consacré à NANTES, seconde "patrie" du Surréalisme naissant ( JACQUES VACHE) et cité d' Eric CHARTIER lui-même .

 

Après avoir adapté au niveau théâtral cet ouvrage , il a contacté JULIEN GRACQ et c'est ainsi qu'ils se sont rencontrés .

La pièce a été notamment jouée à PORNIC, ville où ERIC CHARTIER possède un Théâtre ( Il y est cet été !!! ) et GRACQ , à ce spectacle, a montré une vive émotion .

 

En 1995, elle a été reprise à PARIS, au théâtre des DECHARGEURS ( après NANTES et divers autres lieux ) dans une "indifférence générale "!!! .

Mais ensuite, à NEW-YORK , un public francophone, cultivé, vivement intéressé par GRACQ a réservé le meilleur accueil au Spectacle .

Les ETATS-UNIS restent très marqués par le SURREALISME parce que BRETON et certains de ses compagnons, menacés par les Nazis qui les jugeaient particulièrement "décadents" se sont réfugiés à NEW-YORK pendant la dernière guerre .

 

Au fil de l'entretien qui nous conduit en territoire Américain, j'apprends -ce qui m'intéresse énormément !!! - qu' ERIC CHARTIER a aussi très bien connu CHARLES DUITS, Ecrivain plutôt "maudit" que j'ai eu le bonheur de croiser à PARIS . Certains de ses textes , proches de l' Heroïc Fantazy devraient solliciter l'attention des jeune gens ( " PTAH HOTEP " , par exemple ) . Il a également écrit un témoignage très vivant : " ANDRE BRETON A-T-IL DIT PASSE " .

Comme tant d'autres à cette époque, Aventuriers audacieux mais inconséquents, usant à profusion du peyotl, il s'est très vite brûlé les ailes !!!

 

 

 

Après avoir adapté " LA FORME D'UNE VILLE " , ERIC CHARTIER a mis en forme de spectacle deux autres oeuvres de JULIEN GRACQ : " LES EAUX ETROITES " et " LA PRESQU' ÎLE " avant d'aborder " UN BALCON EN FORÊT " .

 

 

ERIC CHARTIER se souvient de JULIEN GRACQ comme d'un Homme bouillonnant !!! nullement cet " Ermite asocial que certains décrivent .

Il avait une "sensibilité explosive " mais il mettait un "couvercle" dessus et ne lui laissait libre-cours que dans ses livres .

GRACQ était en phase avec " les grandes forces de la Terre " et admirait BRETON en tant que " Sorcier " chargé de magnétisme, héritier de la Civilisation Celtique , encore très refoulée de la sensibilité occidentale au début des années 60 .

 

Cependant, après avoir brièvement milité au Parti Communiste, GRACQ se tenait éloigné de la problématique politique, notamment en ce qui concerne NANTES, ville du château des ducs de Bretagne .

NANTES, pour GRACQ - j'ai la même image de SAINT-MALO !!! - est, avant tout, un port tourné vers le Large et proche de tous les lointains !!!

 

GRACQ est aussi Homme des Frontières dans cet espèce d' "étranglement de la LOIRE" , comme, sans doute, dans sa vie elle-même.

 

( De NANTES, ville d'innovations, d'exubérance, il parle, certes, avec tendresse mais aussi avec ironie . )

 

FRONTIERES : qu'est-ce donc un balcon sinon une frontière entre l'intérieur et l'extérieur ? Toute la question et de toute Littérature aussi .

Cela fait longtemps, bien sûr, que l'on parle d' "expérience des limites " !!!

Mais s'entend-on parler ? Se sent-on expérimenter ?

 

Tout le " Balcon " ( le livre, l'objet ) est selon ERIC CHARTIER une suspension ( je pense aussi, évidemment, un suspens---e )

 

INTERIEUR/ EXTERIEUR : le Comédien rappelle qu'entre huit ans et dix-huit ans le jeune POIRIER ( de l'autre côté de JULIEN GRACQ ) s'est trouvé enfermé dans une immonde pension dont il ne sortait que deux fois par semaine pour des promenades très encadrées ( je compatis : j'ai vécu cela aussi trois ans !!! mais, moi, je n'ai pas eu le talent de m'enfuir dans le Prélude à la seule Littérature . Très concrètement, je me suis évadé et j'ai mis les adultes "responsables" au pied de mon mur, si bien qu'ils m'ont laissé ma chère Liberté !!!)

 

INTERIEUR/EXTERIEUR : comment ne pas impatiemment attendre alors qu' IL ARRIVE enfin quelque chose ?

Comment ne pas raconter d'oeuvre en oeuvre l'attente et l' (im) possible advenue ?

 

L' immense bateau que l'on vient de baptiser très imperceptiblement s'éloigne du quai comme dans le ralenti d'un vieux film .

 

Et l'on écoute BRETON prononcer l' "arrêt" :

 

" Indépendamment de ce qui arrive, n'arrive pas, c'est l'attente qui est belle "

 

 

Pour le Prisonnier, tout ce qui est au-delà du mur se trouve "magnifié par l'imaginaire : les bruits, les arbres du jardin des plantes "

 

" Interne/interné " 

 

 

 L' Homme Libre, l' Ecrivain, qu'a rencontré beaucoup plus tard ERIC CHARTIER lui a paru , de prime abord, un peu "coincé" , un peu renfermé...

Et il avait peur, en même temps des relations "aléatoires" .

 

Trop vibrant, trop sensible, JULIEN GRACQ avait appris à "contenir ", ne voulait pas perdre -qu'on lui fasse perdre- contenance .

" Le remue-ménage du Monde l'angoissait "

Il se sentait vite menacé par l'en-dehors.

Il fallait pour que la conversation suive harmonieusement son cours qu'elle se situe dans un cadre bien précis . Si une question ou un propos le déstabilisait, il faisait silence .

 

" C'était à la fois très sincère et très protocolaire "

 

 

 

Selon ERIC CHARTIER, pour JULIEN GRACQ ( Historien et Géographe de formation ) , le danger concernait la planète toute entière . Quelque peu écologiste avant l'heure, il voyait le Monde courir à sa perte .

 

Le Surréalisme comme Avenir ?

Pourquoi pas ?

Source de "progrès social "

Forme " religieuse "

Sortie du Matérialisme .

Nécessité de se "ressourcer" à partir de la Terre Mère .

 

 

 

Je laisse pour l'instant l'entretien qui se perd dans l'interruption de la bande magnétique du dictaphone emprunter ce passage POMMERAYE de NANTES où Julien GRACQ et André PIEYRE de MANDIARGUES se cotoient pour porter la Parole Suversive du SURREALISME dans l'univers un peu gris, vert de gris, de la Littérature Contemporaine .

 

 

 

GRACQ reste, somme toute, dans le repli, le secret, le discret, dans le sourire italique de BRETON lorsqu'il emprunte LA PASSE du Récit .

 

ERIC CHARTIER, lui, monte sur ses grands chevaux !!!

Certains Critiques délicats le lui reprochent .

Ils ont bien tort : dans le bourdonnement des buzzs, nous avons encore besoin de PORTE-PAROLE qui parlent fort et qui bougent et qui ARTICULENT !!!

 

 

Comme le proclamait en son Temps ARTAUD :

 

" Nous avons moins besoin d'adeptes actifs que d'adeptes bouleversés "

 

ERIC CHARTIER est bouleversé .

Bouleversant .

 

C'est en cela qu'il contraste avec le terne des Performances trop médiatisées et qu'il doit continuer de contraster !!!

 

 

A l'instant où je termine ces lignes, l'ombre véhémente s'est retirée du " BALCON EN FORET " mais on distingue déjà de nouvelles clairières :

 

en 2012, le Rhapsode proposera un spectacle sur le sensible JEAN-JACQUES ROUSSEAU .

 

 

 

                               Dominique    Gabriel        NOURRY

 

 

 

Il est vivement conseillé d'aller visiter le site d' ERIC CHARTIER pour découvrir  sa biographie, son répertoire et son Esthétique très personnelle.

 

Et même un VRAI Poème !!!

 

 

A propos de JULIEN GRACQ : HUBERT HADDAD : JULIEN GRACQ , LA FORME D'UNE VIE

 



07/07/2011
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