ETHNO-POEME
A la mémoire de Jean-Jacques MATHE
( puisque "je" est "un autre", pourquoi ne pas jouer aussi ce personnage ? )
A Saint-Germain
ce soir
en transit
vers
d'autres
vies
l'iceberg
est bruyant
la Japonaise
visage de Madone
dont les oreilles
s'effilent
collants très noirs
jupe
et chaussures
très rouges
pourquoi
ce désir
de décrire
ou
de photographier
toutes les femmes ?
où donc
ai-je l'intention
de les emporter ,
leurs yeux
luiront-ils
au fond
de mon tombeau ?
pourquoi
cette obstination
à retenir
quelque chose
lorsque
tout
absolument tout
m'a glissé
entre les doigts
je ne suis doté
d'aucun sens
aux yeux des inconnues
je suis
un homme
au visage lunaire
punaisé
dans le décor
insignifiant
inoffensif
au Flore
très loin
de la Bastille
on débouche
des bouteilles
de Champagne
et toujours saisi
du même
inutile
désir
j'écris
presque sûr
de posséder
cette langue
ici
autrefois
honorée
un célèbre
journaliste
radiophonique
-inconnu de moi
qui n'écoute pas
la radio -
tout à l'heure
drainait
de jeunes auteurs
des solitaires
sont apparues
se sont
assises
en face de moi
et puis
sont reparties
je suis évidemment
tout à fait
déplacé
dans ce lieu
-toujours
cette position
entêtée
de bébé
prématuré -
mais je me livre
comme partout
d'ailleurs
à des observations
ethnologiques
peut-être
pourraient-elles
s'insérer
dans un roman
mais
je n'aime plus
lire
ou écrire
les romans
j'aime
les images
les merveilleuses images
qui s'installent
un instant
et se disloquent
au loin
certaines
bien sûr
sont classées
dans l'ordinateur
mais pas question
que je les regarde
ou que je les montre
il me suffit
de les avoir
une fois
capturées
bien sûr
Georges Olivier
je nous vois
passer
en défilé
dépenaillé
sur ce trottoir
qui a reculé
ce soir
dans le Temps
bien des fois
j'ai tenté
de conter
raconter
ce que fut
notre Jeunesse
mais
la mienne
qui intéressera-t-elle ?
je n'ai jamais été
du bon côté
gosse
pas très normal
adolescent
en rage
j'ai toujours
marché
du côté
des impairs
je n'étais pas fait
pour figurer
dans un groupe
au deuxième rang
le troisième
à partir
de la droite
m'a-t-on exclu ?
me suis-je exclu ?
ce serait
bien difficile
à dire
fils
d'une dévergondée
qui ne voulait pas
qu'on lui blinde
sa porte
et puis de qui ?
ou du joueur
qui n'était
jamais à court
d'atout
et ne me laissait
jamais
la moindre
carte
ou d'un voyageur
le temps d'une étreinte
posé
dans le corridor
de ma vie
de toutes façons
posé
dans le Monde
le cul
entre deux chaises
on ne m'a pas laissé
le privilège
de m'engoncer
dans de profonds
fauteuils
couvert d'acné
juvénile
très tôt
bien incapable
de me sentir
bien dans
ma peau
je me suis fait
chrysalide
de chrysalide
et me suis rêvé
papillon
jamais je n'ai vu
pourtant
dans l'air parfumé
du printemps
balbutier
mes ailes
diaphanes
pour toujours
assigné
aux masques
je les porte
haut
et j'ai signé
D.G.N.
pour imiter
sans le savoir
Germain Nouveau
dont la vie
fut
géhenne
dénué d'argent
de succès
je me suis trouvé
aimé
de Femmes
qui ne comprenaient pas
qu'on ne réchauffe pas
même dans de douces paumes
un flocon
de neige
je me suis dispersé
en ivresses
et
sans doute
ce fut
une bonne chose
qu'y avait-il à faire
sinon boire
et murmurer
des mots
d'ivrogne
pour amuser
peut-être
les enfants
à venir
Dominique Gabriel NOURRY