FLAGELLATION
" Manifeste " écrit en fin d'adolescence ( vers 1966 )
Il s'agit bien de cela
mâché renoncé se donnant s'offrant
implacable en pleine courbe autique
en plein centre
la parole fer feu la parole
en pleine faille d' être et de pensée
la ritournelle encore voici les pohètes
chanteurs des faubourgs de la beauté
joueurs de mots et d'existence
falsifiés frimés
faussés en la fosse de leurs foutaises verbales
il s'agit bien de cela les jolies revues papier glacé
le bureau la machine à écrire
il s'agit bien de cela foré fondu flasque
de pores madrépores incestueux en dérive des plus brûlantes certitudes
ah le style flamboyant ou la concision des fémurs
quelle somptueuse image
quel bonheur dans le langage
mon cher vous m'en mettrez une douzaine
le filtre des lectures le rafistolage de la sensation
et quoi encore
le nez esthète sur le flacon de finette
achetez Proust en gros chez le commercial fumiste
Rimbaud quelle occasion
les finasseries finales des maîtres de phynances
et quoi encore quels jeux quelles recherches flageolantes
sur des claviers de fin du monde
se saouler s'oublier se mourir
se saouler de références ancestrales et flacheuses
les flas flas filouteux des derniers curés du langage
les feuilletonnistes les fictions les balivernes fouarrées
d'une société agonisante
lorsqu' Artaud est venu lorsqu'il a posé
lorsqu'il a jeté
en pleine gueule de la putain occidentale
ce pèse nerfs ce pèse Eros ce pèse engoisse
ce pèse vie ce pèse mort
cette machinerie cruelle et nécessaire au centre de nous-mêmes
en notre sang en notre cri en notre volonté
lorsque d'autres en la vrille incessante de leur vertige
ont tenté de sauver de préserver la dernière étincelle de vie
qui gît dans les bas-fonds des cimetières artistiques
lorsque d'autres ont écrit se sont inscrits avec leur phallus avec leur folie avec le froid qui gerçait au creux de leurs os
et toi toi aussi
pour ces fadaises pour ce fétichisme de l'encre et de l'imprimé
tu allais t'enfouir t'enfuir
avec cette fissure ce frisson dans ta tête
toi aussi te forger de jolis fescennins de vouloirs verbeux
des mots morts des mots mous des mots murs des mots merdes
momies à emballer pour les générations à venir
les manuels les mouvements les mariages littéromanes dans les chiottes de l'amour tu allais toi aussi festoyer de ces feux de bengale cénaculaires te fêter te férier te fermer
toi aussi chercher au fond flou des paragraphes
une raison d'exister de te vendre ou de te perdre
toi aussi t'affaisser te fesser te fausser aux agenouillements métaphysiques d'une post arrière-garde
gaggouillante et gargouillant son folklore foliotant et ses fins d'après-midi caféinés
aujourd'hui où nous sommes seuls
où nous nous reconnaissons
aujourd'hui où nous surgissons en nous-mêmes
avec des mots chairs des mots ressacs des mots pensée
aujourd'hui où nous taillons nos mots dans notre peau
nous écrivons avec notre sperme notre vie
nous ne demandons rien
rien qu'un beau fouet
un fouet flamberge
un fouet flamme
un fouet fléau
un fouet de salive de langue de dents de gorge de poumons
un fouet fleurdelysant d'amour et de sève
un fouet qui vous arrachera vos flûtes joueurs de flûte
un fouet qui vous arrachera vos périphrases poètes fonciers
froncés
hoqueteurs d'images métaphores et autres beautés pohétiques
un fouet follet un fouet flèche pour déchirer la fleurette
velin
des plaquettes tendrement étudiées avec
mots et formules
et non lieu
et non temps
et non être
( et puis
la
fin
du
poème
s'
est
perdue
elle
disait
l'
amour
simple
d'
une
femme
et
le
rire
d'
un
enfant
elle
disait
la
nécessité
d'
un
retour
à
la
simple
évidence
de
l'
Amour...
malgré tout !!!
Dominique Gabriel NOURRY