L'EMEUTE DES NUITS
N'entends-tu pas le cri de la chouette
contre les remparts
rebondir
aperçois-tu
cette ombre
dans l'émeute de la nuit
cette ombre
légère
au milieu des marins îvres
ne dirait-on pas
que c'est un Corsaire d' Amour
qui vient vers toi
tu ne sais rien de son nom
rien du pays dont il vient
rien des femmes qui l'ont aimé
pour te rejoindre
il a dû franchir
d'étranges barricades
édifiées
avec les gravats
des vieux préjugés
des porches obscurs
recélant
de perfides assassins
et le regard insidieux
des fenêtres
qui ne donnent pas
sur le Large
imagines-tu
que c'est de la même démarche souple
qu'il se glissait sur le site des réunions clandestines
dont les mots d'ordre incertains se sont répandus
sur toute l'étendue de l'Europe
confondant les tyrans et les marchands d'armes
et les marchands d'âme aussi
entends-tu hululer
dans le grand silence des vagues
les hommes de ce genre
ne laissent même pas d'empreintes
sur le sable
dans l'émeute de la nuit
ce fantôme ne vient voler
qu'un baiser de tes lèvres
interdites
c'est pour cella seulement
qu'il se découvre et risque
sa vie
tu l'imagines d'une noble naissance
mais à quoi bon naître
n'est-ce pas le coeur qui doit mener
à bon port
l'attelage du corps
et de l'âme
pour lui
ta fenêtre est restée ouverte
et voilà pourquoi
tu frissonnes
comment pourrais-tu
apporter quelque crédit
dans l'émeute de la nuit
du salon voisin
monte la voix des hommes
qui se demandent
quel sera
le meilleur candidat
de la gauche
ils étalent des arguments
boivent du whisky
savent-ils ce que tu fomentes
au fond de ton lit
quelle étrange insurrection
quelle émeute de la nuit
qu'ils seront incapables
de maîtriser
mais c'est moi sans doute
qui rêve
la belle n'est venue dans sa chambre
que pour mieux écouter
France Info
elle revient vers les hommes
les mains pleines
d'actualité
boit de n'importe quel verre
une longue lampée
leur tient
la dragée haute
et c'est jusqu'à l'aube
que se poursuit
la discussion
stratégique
mais les horaires des marées
dans l'émeute de la nuit
n'en ont pas été
pour autant
perturbés.
Dominique Gabriel NOURRY