D'ici Dance

LA CHENILLE DE LA FOIRE D'HIVER

Et le poème s'envole

comme la chenille de la foire d'hiver

sur  le champ de Mars

à Rennes

au retour d'un discours de Cicéron

le poème s'envole

dans l'odeur des beignets

le tempo yéyé du soir

le cri des filles

infailliblement fiché

dansmon ventre

 

et allons-y jeunesse

de la sensation

et dans tous les sens

les sens bouleversés

les oreilles bourdonnantes

l'envie de rire ou de vomir

cette enfance

qui passe mal

et qu'on ne cesse

de déglutir

 

et allons-y jeunesse

 

tu quoque filii

et même

vae victis

système vital

système nerveux

mais qui leur dira combien j'ai la haine

des systèmes

de tous leur systèmes

millimétriques

destinés

à tailler en pièces

l'humaine larve

 

ça bascule dans le ciel

hurle hurle hurle

un poème de Tzara

les néons hoquètent

et je te dis que je t'aime

toi l'ombre

collée près de moi

contre le flanc

de cette infernale machine

qu'ils appellent la vie

 

fallait-il m'expulser

sans préavis

dans le grand froid d'hiver

maigre sanglot puéril

emmitouflé

d'un néant prémonitoire

fallait-il m'offrir en pâture

aux démons du samsara

moi qui n'avais

que la brindille de mon poing

pour menacer les astres

 

la chenille de la foire d'hiver

de vertige en vertige

m'a conduit jusqu'à vous

et je n'imagine pas

interrompre cette fuite

qui me propulse

dans l'au-delà

que voulez-vous que je fasse

de vos objets pesants

de vos tractations souterraines

de vos valeurs sûres

 

je m'insurge

contre cet imaginaire

cachet de la poste

apposé sur ma folie

tandis que je m'engouffre

dans d'immenses trous noirs

accueillants comme des sexes

et que je ressurgis

dans les mondes parallèles

de William Blake

 

rien à foutre

de vos insurrections

vite métamorphosées

en charniers

déguerpissez

dans vos terriers

Pol Pots ordinaires

des futures hécatombes

regardez-vous

où vous mettez les pieds

pour vendre vos papiers

mal identifiés

lâchez tout

embarquez-vous

dans le monstre

où frissonnent les nymphes

 

et vous atterrirez

sûrement très loin

de cette crèche

dont Marx est le petit Jésus

désorienté

dans un cratère de la lune

face cachée

vous y réfléchirez

autre chose

que des soleils rouges

sous le crachat des météorites

dans la gésine d'univers

que vos pauvres cervelles

n'auraient osé

imaginer

 

pas question

pourtant

de s'arrêter là

voyez-vous

la fête

foraine

continue

la grande roue

vous emporte

vous déporte

et ça bouleverse

vos projets

vos calculs

vos rituels

 

et allons-y jeunesse

de la sensation

de la sensation

et dans tous les sens

 

dis Blaise

dis Blaise

sommes-nous loin

sommes-nous loin

de la fin

 

du Poème ?

 

 

 

Dominique   Gabriel      NOURRY



24/12/2010
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