LA NOSTALGIE DE LA POESIE
POETRY, le film.
Une femme qui perd la Mémoire prend concience qu'elle n'est elle-même qu'une Parole et que c'est la Civilisation toute entière qui est sur le point de s'oublier. Comment conjurer cet évanouissement ? Il faut retrouver, recréer ce qui constitue l'essence même du Réel dans tous les lieux, tous les temps de l'Humanité: la Poésie.
Comment faire ?
Nous vivons dans un univers de menus bricolages. Dans tous les domaines on convoque des "recettes". On se voue, corps et ame, au savoir-faire.
En France, dans nos écoles et même dans nos grandes manifestations culturelles (celles du "104", récemment), l'OULIPO règne en Maître ! L'OULIPO, comme son nom l'indique, c'est une espèce d'ouvre-boite, une notice de Mécano permettant aux petits personnages de Lego que sont devenus les Occidentaux d'accéder tous à la Création.
DE-MO-CRA-TI-SA-TION !
En réalité: imposture, mépris, désagrégation de l'Etre.
L'héroïne du film "POETRY" en quête de notre Mémoire est en quête du Poème. Dieu Merci! elle ignore tout du couteau suisse du bon Professeur QUENEAU, le père de tous les OULIPITRES. Stimulée par un Initiateur, elle s'approche de l'Harmonie. Certainement s'esquissent de bonnes intuitions. Mais ce n'est pas suffisant. I lmanque, décidément, "LE MOT ET LA FORMULE" et la généreuse tentative risque fort de tomber dans le ridicule.
Comment susciter, ressusciter la Poésie dans le morne quotidien de la société industrielle qui ne connaît, lamentable succédané d'Extase, que le viol ?
Vous vous souvenez bien sûr de l'opération "FLEURS DU MAL" dont le succès ne s'est jamais démenti ? Magnifique tour de passe-passe dont Rock se souvient. Satan prend la place de Dieu. L'ADORATION, depuis longtemps idolâtre, peut se perpétuer sans problème.
C'est indéniablement magnifique !
Inoubliable !
Mais ce n'est plus ainsi que l'on accordera nos lyres !
Nous n'avons plus affaire à l'Idéal ni même au Mal spectaculaire qui, somme toute, lui rend justice.
Nous avons affaire à présent au Dérisoire et nous adorons, les singeant, nos esclaves: les intelligences artificielles.
Nos prières prennent la forme de l'Humour. Ce qu'il nous reste du Sacré, c'est cela : sa sordide profanation.
Alors plus d'espoir?
Je me souviens pourtant de quelques jeunes gens qui, au bord des échangeurs d'autoroutes, dans le fracas et l'odeur d'essence, s'inventaient des "Satoris". Ces enfants de la Beat Generation, s'ils empruntaient trop souvent à mon goût ces ascenseurs pour l 'Infini que justifient d'autres lointaines coutumes, touchaient tout de même du doigt ce qu'il faut bien appeler le Réel, c'est àdire ce qui met en jeu, vital et dangereux, le Poème.
Donc, ce qu'il faut encore savoir, dans leur sillage, c'est qu'il n'y a en aucun cas de compromis possible. L'objet de la Poésie ne s'effleure qu'à travers une pratique que j'appellerai, faute de mieux : Méditation. La Poésie, ce n'est pas un jeu de mots, c'est une "mise en situation" de l'Etre tout entier. Cela ne va pas de soi. C'est toute une quête, avec d'intenses Aventures ,de la mise en Danger, des Illusions insensées !
Les enfants du Slam ou d'autres jeunes gens, dégagés des malheureuses impostures de ce Temps, sauront-ils, pour notre bien commun, poursuivre cette Quête que légitime, chaque jour un peu plus, pour qui sait y voir clair, la Science elle-même, dans ses ultimes "retranchements".
"La main qui blesse est aussi celle qui guérit" (HEGEL)