LE SILLON DE L' HIVER
la mer se rue
contre les quais déchiquetés
dans un hurlement de gésine
et les petits hommes désespérés
s' accrochent à leur ombre
comme à une bouée
il y a du flou dans les présences
de l' incertain dans les voix
de la folie dans les regards
la mer corrompt l' horizon
je tiens une main
mais ne sais plus laquelle
je murmure les prières vénielles
que l' on m' apprit écolier
dans la fraîcheur des sacristies
et je vois
oh je vois
ce que les Hommes jamais ne devraient voir
le reflet porté d' une croix de pierre
sur ma fragile poitrine humaine
et l' invisible anneau
dont à la matière se scelle
l' impossible souffrance
de ceux dont seul erre
au bord des abîmes
le souvenir désolé
la plage éclate dans la rafale
comme un météore pulvérisé
des regards errent autour de nos corps
que la nuit a défenestrés
je cherche
la tiédeur d' une lèvre
la sois d' une chevelure
je cherche l' antre doux
qui me donna la chair
mais roc et lame et flamme
je me blesse et me tords et me déchire encore
et me tend tout entier appel
vers l' horizon qui m' écartèle
et les flots flexibles disséminent mes jours
dans le long exil de la Vie