D'ici Dance

LES DERNIERES SAISONS DU POETE ARMAND RAPOPORT

Ces lignes me sont venues à la gare Montparnasse, alors que je me préparais à prendre le train pour  Saint-Malo, dimanche dernier .

Je me rendais à l'évènement "Etonnants voyageurs" de Michel LE BRIS , dans l'attente, toujours émouvante, des interventions de mon ami HUBERT HADDAD .

 

A Saint-Malo, autrefois, j'ai séjourné quelque temps avec Armand RAPOPORT qui était, lui aussi, un Etonnant Voyageur .

 

A Viviane COHEN et Eva HADAS-LEBEL

 

L'écriture est le bénéfice secondaire -et facultatif- de l'être poétique .

 

L'être poétique est un être-au-monde spécifique que captive la Vraie Vie .

 

Dans le champ de visibilité que concède l'univers pragmatique, l'être poétique fait désordre ou scandale .

Par projet, parfois .

Par mal-adresse, souvent .

 

Car l'adresse que l'être poétique écrit implicitement sur ses messages ne peut être délivrée que par le Facteur Temps .

 

Encore l'accusé de réception n'est-il nullement assuré !!!

 

 

Armand RAPOPORT parfois faisait scandale . Il n'aimait pas être approché avec désinvolture . Il aimait être pris en compte en tant qu'être poétique ou, au moins, en tant qu'être humain .

 

 

Il avait payé pour cela plus que son dû .

Enfant traqué, caché, pendant la guerre .

Adulte épris de Culture chargé d'enseigner, lorsque cette société qui ne vit la Culture que comme vain apparat rend inadmis et peut-être inadmissible toute transmission de la Littérature .

( Heureux, pourtant, les enfants et adolescents qui ont pu recueillir des pépites de l'être poétique Armand RAPOPORT !!! )

 

 

Armand faisait désordre.

Très joyeusement, dans la ville,par son humour qui enchantait ses amis .

Très concrètement, dans son appartement riche en strates et en accumulations diverses .

 

 

Après son malaise, selon moi, c'est sur ce critère que les rats du labyrinthe, gardiens de l'ordre social, l'ont serré, coincé ;

 

Je ne crois pas à leurs alibis .

 

Il était enfermé, emprisonné . Il voulait sortir . Je voulais qu'il sorte .

 

Deux fois par semaine, je passais sur le sinistre pont du cimetière Montmartre qui sépare la fête de la Place Clichy de la misère de l'hôpital Bretonneau .

 

Armand,parfois, avait un peu honte de me voir ainsi, lui qui se sentait dans un tel abandon, dans un tel dénuement .

Il ne pensait qu'à son amie Viviane, n'attendait qu'elle et craignait parfois que ses visites si désirables n'interfèrent avec les miennes, tendres et amicales .

 

Au tout début, il a fugué plusieurs fois ;

 

Et puis, il s'est tenu coi .

Il espérait . Il me disait à chaque fois : " Dans dix jours, je rentre chez moi . "

 

Mais le "chez moi" dont il rêvait au fil du temps se dispersait, sans qu'il le sache .

Un désordre bien pire que l'harmonieux fatras dans lequel il se complaisait -tout comme moi- s'était emparé de son temps . Ses délicates aquarelles qu'il donnait si généreusement à ses amis, étaient à présent éparpillées sans que je comprenne pourquoi .

 

Déporté d'hôpital en maison de retraite, de maison de retraite en hôpital, plombé d'inutiles neuroleptiques, il a fini par comprendre qu'il ne  reviendrait pas .

 

Plus jamais son petit appartement si encombré .

Plus jamais la Butte Montmartre qi gaie, si animée .

Plus jamais la Halle Saint-Pierre où il prenait régulièrement ses quartiers pour rêver, écrire, rencontrer ses amis .

 

Il s'est résigné, il s'est  lentement défait, il nous a quitté avec un regard navré .

 

Cet être poétique n'était pas fait pour être captif ;

Pas plus que les moineaux qui se posaient sur son balcon .

 

Et  il était légitime, je l'affirme encore une fois, qu'il ne vive pas comme vous .

 

Cet être poétique était un des rares êtres libres que j'ai connus et c'est pour ça que je l'ai accompagné plusieurs saisons dans sa descente aux enfers et que je l'accompagne encore par cet écrit .

Qui voudrait atténuer ce que je ressens comme désastre, délabrement, désaxement généralisé de l'être-là humain ne me convaincra jamais .

Inutile d'insister .

 

 

De l'être poétique que l'on nommait Armand RAPOPORT, de ce feu vivant, il nous reste de belles étincelles : aquarelles, souvenirs et poèmes .

Bouleversants .

 

A nous, à présent, mes amis, de les porter, de les propager, de les transmettre .

 

C'est ce que nous devons faire à présent .

 

 

Dominique    Gabriel        NOURRY

 

N.B. : Je ne juge pas .

Je n'accuse pas une personne ou une autre en particulier .

Je témoigne .

Je porte, certes, un regard subjectif sur la catastrophe ;

C'est mon regard .

 

Attentif, aimant, toujours présent, il vaut ni plus ni moins que les autres .



14/06/2011
1 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 27 autres membres