LES TAMANOIRS
A la Survenue.....
Ma jeunesse s'incendiait dans les bars, très loin de toi, de toi que j'ignorais, lovée dans la cervelle de la ville où s'assoupissent les Tamanoirs .
Des clartés déchiraient le tout venant des discours superflus .
Tu n'étais pas encore là ;
Pour moi, tu n'étais nulle part .
Tu tenais, tu tenais de l'illusoire .
Tu n'étais qu'une femme de la ville, de celles qu'on croise, et qu'on perd dans le sillage des Tamanoirs .
Ma jeunesse s'éclipsait sur la pointe des pieds .
J'aimais à Central Park une bohémienne que je n'ai jamais Revue .
J'aimais dans le creux des rues des Chinoises vénales que l'aube, à peine apparue, dissipait .
J'aimais les confins, me constituant péninsule, pour gober les nuages .
et je t'aimais déjà .
C'était trop lourd pourtant de s'assoupir au tout petit jour, brisé d' ivresse, et de ne rien voir venir .
C'était, toujours proposé, le superflu, lorsqu'il manquait le nécessaire .
C'était le temps de la grisaille et des Tamanoirs .
Mais qui te dira que c'était moi, cet homme-là, cet homme rongé de silence et d'angoisse, cet amant vague qui s'immisçait dans les couples
et détruisait .
Pour le plaisir de détruire, peut-être, à peine pour le plaisir, à peine pour s'endormir moins seul....
Et sais-tu comme l'on se réveille dans l'ennui de ces nuits ponctuées d'incertaines éclipses, sais-tu l'amertume d'être un homme qui n'est qu'un homme et cherche dans les draps froissés son propre corps blessé
dans le sarcophage de la solitude .
Les Tamanoirs de jour en jour grandissaient
Ceux qui pénétraient dans ma demeure n'étaient pas en mesure d'en sortir et je devais les rouer de coups jusqu'à ce qu'ils deviennent ces paquets de chair sanguinolents qu'il me fallait, tant bien que mal, aux premières heures pâles, évacuer .
L'espace tout entier s'épaississait de Tamanoirs, de coquecigrues et de calembredaines .
Je devais, des heures entières, m'empêcher de respirer pour ne pas succomber à l'infection .
Tout autour de moi, c'était la planète, la planète qui pourrissait .
Je t'attendais, tu ne venais pas .
Lorsque tu venais, ce n'était pas toi .
Plus tard, lorsque je t'ai rencontrée, le sol cédait déjà sous mes pas .
Les femmes me jetaient des regards de noyées .
Nul ne sait où elles m'auraient entraîné ;
Je n'avais plus que la peau et les mots .
Je ne comprenais pas pourquoi je séduisais tant lorsque mon coeur battait lentement .
si lentement .
Tu es entrée, légère, dans le casting de ma vie .
Sur la pointe des pieds .
Moi, dans le noir, au milieu des Tamanoirs, j'ai vite découvert la pointe de tes seins .
C'était le grand jour, vois-tu, de te voir, toi que j'avais tant de fois aperçue .
C'était une autre histoire, l'histoire de toi et moi, l'histoire de plus d'une fois, l'histoire d'y croire .
Tant de hauts, tant de bas, notre vie, c'est une montagne russe quelque part dans ce champs de foire où se dévorent les Tamanoirs .
Je te perds et te retrouve à tout bout de champ, je suis à bout de toi puis te désire encore une fois et, parfois, je me demande où je me perds, moi qui ne vis que de toi .
Lorsque me grignotent les Tamanoirs, je t'éloigne jusqu'au bout de mes bras pour mieux te voir .
Tu m'as dit Interdit de désespoir .
Je sais qu'il y a le temps, le vent mais j'ai tant envie de te croire .
A l'heure où glapissent les Tamanoirs, je te serre contre moi, je te dis des histoires et tu t'endors apaisée sur mon sommeil comme une fleur de nénuphar ;
Dominique Gabriel NOURRY