D'ici Dance

LIGNE DE FUITE (1976) -3

Des vampires crient dans le crépuscule. Je ne veux plus les entendre. Je me suis coulé de l'or fondu dans les oreilles et j'écris. Demain, je serai vivant. La machine à écrire n'aura pas changé de place. Mes hantises, grandguignolesques accessoires d'un mauvais mélodrame, pourriront dans la garde-robe désaffectée d'un Bayreuth où Hittler prit pour Graal un mammouth congelé dans l'Hyperborée de sa cervelle déchirée.

Demain, je taperai des mots de tendresse sur le clavier de l'aube, pour toi, pour elle, pour toutes celles, pour tous ceux dont l'amour est un impératif.

Peut-être n'aurai-je plus besoin d'écrire pour vous dire que je vous aime.

Mes lèvres sauront de nouveau sourire, mes doigts caresser, mes yeux désirer,

Alors, relire la fiction, déchirer la nécessité du récit.

 

 

 

 

 

Relire les dérives du désir un après-midi d'été. Les comprimés de Valium sont éparpillés sur le damier du jeu de Go où se déploie quelques heures l'ultime passe de la stratégie amoureuse dont dépend, à tout prendre, le récit.

Ma mère, recroquevillée dans un coin de la cuisine, , regarde divaguer le carrelage noir et blanc vers les marches grises de cet hôtel de passe où guette, araignée constellée de lèvres tièdes, la putain.

S'oublier souvenir du drame et soudain s'ouvrir : cette main grise qui tremble à la gâchette de l'ombre ce 8 coulant de l'infini qui l'étrangle

l'ébloui d'une lame glissé dans la lumière et fond en larmes dans sa poitrine

le je de la mort contre les jeux de l'amour.

Une petite fille qui me dit qu'elle m'aimerait à jamais refermerait la fontanelle du suicide, sa main plongée dans la fontaine noire de ma cervelle seule y saurait découvrir ces lumineuses étoiles, ces aubes d'enfance, follement étreintes, qui me firent oublier de mourir.

Je croyais éteintes mes mains et voici que les invente, plus claires, plus réelles, la peau qu'elles caressent.

 

 

 

 

 

On le voit, comme sur un gouffre penché, lire le récit.

Ce théâtral récit.

Je cite :

"Ce qui avait eu lieu, mais cela avait-il eu lieu ?"

 

Assis au centre de la prairie, texte en main, il se parle de leur écoute, il se pare de leur regard posé sur lui, désiré, de leur inadmissible regard, la gorge nouée les entend attendre et s'effeuille en mots inouïs.

Dominique photographie.

Adolescent, je n'établissais nulle hiérarchie entre les images. J'attendais que l'on me voie. J'ai appris mon sourire, très lentement, sur les lèvres de l'autre.

Je me suis cru muet jusqu'à ce que tu me lises.

Je me suis cru laid jusqu'à te voir éclaircir tes yeux.

 

 

 

 

 

Elle est là.

Assise en face de moi.

Elle ne cite pas Bakounine, Marx, Engels, Mao, Trotsky, Debord ou Deleuze.

Elle essaie de me dire qu'elle en a marre de s'emmerder quarante heures par semaine dans un bureau, de vivre sans espoir, est-ce que vraiment on ne peut pas s'en sortir ?

Je ne puis qu'incroyablement l'écouter.

La savoir éphémère.

Avoir envie de rire avec elle, de faire l'amour avec elle.

Comme si....

Comme si les autres ne nous avaient pas déjà vus, nommés, accouplés, classifiés, étiquetés, mémorisés.

 

"Alors, Morgan, on drague maintenant ?"

 

NON

Vous n'y êtes pas. ou je n'y suis pas.

Pas du tout.

Comme si rien ne pouvait se passer qui n'ait déjà été lu.

Il ne la reverra pas, ne veut plus la voir, ne veut pas la laisser ainsi interpeller leur réalité.

Il la laisse s'échapper.

Mais rassurez-vous....Nous n'y sommes pas......J'écris.....

 

Cela vous appartient comme au milieu de la nuit d'hiver vous est promise la neige inédite.

 

 

 

Dominique   Gabriel      NOURRY

 

 

A suivre.....



19/11/2010
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