Ma première rencontre avec la Chine réelle en 1965
En 1965 , je suis enfermé dans une pension de garçons à Rennes pour la deuxième année . J' ai 16 ans et je vis très mal cette situation .
En dehors des jeunes filles qui me manquent beaucoup m' intéressent les mystiques d' Extrême Orient .
En revanche , je ne suis PAS DU TOUT au courant des réalités politiques .
Ayant adhéré au Club UNESCO du collège , je suis amené à rencontrer des étudiants et des étudiantes chinois .
Peut-être les premiers à venir en France depuis la Révolution communiste .
Les relations franco-chinoises viennent tout juste de se normaliser .
L' année suivante commencera la terrible Révolution culturelle .
Tout naturellement , pour accueillir ces jeunes plus âgés que moi , je dirige un groupe de recherche sur la pratique des religions en Chine qui laissera mes interlocuteurs à peu près muets .
Cet année-là , comme la précédente , je tiens un journal intime où j' épanche habituellement mes désirs et mes désarrois amoureux .
Cependant , le jeudi 11 mars 1965 , je rends compte de notre première rencontre avec les Chinois-e-s dans ces termes :
" Je suis allé à 5h à la réception du Club Unesco , à l' intention des jeunes Chinois , réception à laquelle participaient une quinzaine de camarades . Les Chinois sont arrivés . Salutations . Courbettes . Bonjour . J' étais , lorsqu' ils sont arrivés , le seul membre de ma commission chargée d' étudier les Religions en Chine . Les Chinoises ne sont pas très jolies et les jeunes Français ne se pressaient guère à s' asseois près d' elles . Enfin tout le monde fut installé et je me suis trouvé entre deux Chinois qui ont commencé à m' accabler de questions . Puis l' un d' eux me laissa pour se tourner vers Legoffic . La coversation s' engagea : mon Chinois était petit comme tous les Chinois , il avait des lunettes et parlait très bien français . Il n' était pas très beau mais très sympathique . Nous avons parlé d' école . En Chine , il y a 6 classes d' école primaire , puis un examen , , 3 classes secondaires -un examen- , trois autres classes secondaires et un examen . Mon Chinois a fait 3 ans de français . 14h par semaine en Chine et 20h par semaine en France Il se passionne pour la technique et la physique chimie . Les jeunes étudiants chinois vont beaucoup au cinéma . Seuls les ouvriers et quelques rares intellectuels fument . Les gens vont souvent au théâtre . Les films , tout comme les pièces , relatent des faits communs de la vie d' un Chinois .
Mon ami habite Shanghai . Il y a peu de monuments , m' a-t-il dit , beaucoup moins qu' à Pékin . Il n' y a pas d' offices religieux bien que la liberté de culte existe . Les Chinois sont athées . Leurs films viennent des pays communistes uniquement . Ils parlent de la "libération" et leurs chansons glorifient le régime . Pourtant une tache : les classes sociales ne sont pas encore supprimées bien que le régime tende à le faire . Il existe quatre classes sociales : les ouvriers , les paysans , la moyenne bourgeoisie et la bourgeoisie . Quatre étoiles sur le drapeau , une grande et trois petites . Ce régime pourtant , malgré les commutants (sic) ou réactionnaires , a envahi le pays entier . Le chômage est supprimé . Les villages sont groupés en communautés populaires qui s' associent pour acheter le matériel . La vie familiale est sacrifiée . Les Chinois font tout dans leur usine et ne touchent que 400 francs par mois . Peu nombreux sont ceux qui ont une voiture . A Pékin , on voyage à bicyclette , à Shanghai en bus . On construit également un métro à Shanghai .
Les Chinois trouvent notre cuisine détestable et le seul mot de "capitalisme" les fait frémir . Ils parlent eux-mêmes de "dictature du prolétariat "
Il y a de grands magasins à Shanghai tout comme à Paris . mais aussi beaucoup de petites boutiques . Le régime doit attendre que le peuple soit mûr pour agir . Les Chinois connaissent très mal la France , lointaine , enveloppée de brumes . Les climats français et chinois se ressemblent beaucoup ."
Les photos noir et blanc datent d' un voyage de juin 1965 que j' ai effectué en compagnie des Chinois aux alentours de Carnac .
Je note , à toutes fins utiles , que je n' ai jamais été "maoïste " mais que j' ai suivi avec intérêt les stratégies politiques françaises , de préférence "de visu" car ma confiance dans les média ou les organisations a toujours été très limitée .
Les