QUAND ON REVIENT SUR LES LIEUX DE SON ENFANCE
Quand on revient sur les lieux de son enfance
C’est les yeux mi-clos et le cœur endurci
Une petite heure à peine
Pour revoir
Au son de la corne de brume
La gorge serrée
A cause du rhume
La tour des Chevaliers
La tour des Sorcières
La grande roue du passé
Où le cœur de l’adolescence cogne toujours
Quand on retourne sur les lieux de son enfance
Même pas le temps d’un cycle de sommeil
Un songe paradoxal
On fait quoi ? On va où ?
On trace dans un rythme d’enfer.
La ligne bleue des Vosges
Est dans le brouillard
Rêve ou cauchemar, on verra plus tard
Les roues de la valise
Crissent sur les pavés
Sacré temps de corbillard
Tout n’est pas piétonnier ni balisé
Quand on revient finalement sur les lieux de son enfance
Comme par hasard
Le car
S’est arrêté
Pile
Face
Le grès rose de la synagogue
Sur la place, des jets d’eau
Arrosent le passé
Derrière les grilles de la bâtisse massive
Le bosquet de roses de mon enfance chérie
Quand on revient finalement sur les lieux de son enfance
On lève les yeux au ciel
Pour voir si les cigognes n’ont pas quitté le nid
Pour voir si la maison de Hans et Gretel
Signalée « communauté israélite »
Papier chiffonné
Celle où l’on est pas né
Mais où la fée mère éphémère
est partie en douceur strudel pavot
A toujours les volets clos
Ceux qui nous ont quittés n’ont pas été remplacés
Comme tous les magasins du centre ville
On touche éperdument le porche de bois
Le cœur est en fer ou en enfer ?
Quand on revient sur les lieux de son enfance
On a constaté que la ville est toujours aussi pimpante
Les nouveaux vieux sont à peine fanés
On vérifie que la Bibliothèque est bien humaniste
Que la petite école est toujours office de tourisme
Les clochers des églises n’ont pas été rasés
On s’assoit sur les marches encore un instant
Les escaliers du bonheur d’antan
La grande blonde et la petite brune
Y papotaient tendrement
En suçant des bonbons à la violette
Face à l’Eglise st Foy
En souriant à la vie
Quand on revient sur les lieux de son enfance
Les trains n’attendent pas
Alors comme un adieu
On se rue dans les boulangeries pâtisseries
D’où l’on emporte un peu
De cette douceur cannelle
D’un temps révolu
Au-delà du petit pont de béton
Derrière la gare
Il y avait des ronces, des mûres
Des jeux d’enfants et des mirabelles
Quand on revient sur les lieux de son enfance…
Eva Hadas-Lebel
Le 1-11-2011