RUES DE PARIS ( Vivre en Poésie n° 7 , Avril 1987 )
Les rues de Paris ce soir sont sales et lasses
les chants d' enfants qui nous ont unis ne les éclairent plus
l' orage rôde dans les impasses
et ses lueurs rauques font saigner la nuit
les touristes portent tous le même masque neutre
je suis le seul homme à la terrasse des cafés
et je regarde défiler des ombres
en moi j' écoute gémir le long silence du deuil
de notre amour
sans ta fragile présence dont se gardaient les fantômes
je vacille je chancelle chacun de mes pas n' est plus
qu' une chute loin de toi
une chute hors de moi
ton beau visage déchiré saigne dans le regard des inconnues
l' une a ta voix l' autre tes lèvres
ta démarche perdue fait frissonner les rues
je ne sais plus marcher à mon pas
je ne sais plus marcher sans toi
où aller
mais pourquoi donc aller quelque part ?
tes yeux n' habitent plus que l' horizon
où l' on ne va jamais
j' écoute la pluie me parler de toi
je vais dans le gris de mes regrets
dans cette nuit où tu n' es pas
mes mains ne savent plus où se poser
elles tournent autour de moi comme des feuilles mortes
et ne se plient plus à l' absurdité des gestes
comment leur apprendre à ne plus caresser
comment leur dire de ne plus t' aimer ?
elles tournent avec l' impatience des animaux
à la recherche de ta peau
plus jamais plus jamais tes seins
plus jamais plus jamais tes lèvres
je suis privé de toi
mais aussi bien de moi
qui ne savais que t' aimer
mon corps ombre chinoise
fend des foules qui l' ignorent
saignant doucement
de la douleur qui ne se dit pas
sans ton désir
il n' a plus que cette rigueur
que cette raideur
où se perpétuent les cadavres
plus jamais plus jamais toi
plus jamais la chair ouverte des fruits
le délire des parfums
le velours blessé des violons
plus jamais la vie
plus jamais nos douces conversations
et les rêveries partagées
mais...mais... c' est t' aimer encore
que de te coucher dans mon poème
que de te murmurer tout bas
que je pense encore à toi
malgré tout malgré moi
toi qui t' en vas
et ne le veux peut-être pas ......