STAROBINSKI : LE BLUES SALTIMBANQUE
"Le fait est que ces gens sont devenus les parasites d'une civilisation qu'ils n'ont pas contribué à construire, ni matériellement ni culturellement, et qu'ils ne pourraient pas reproduire pour eux-mêmes. "
MARY DEJEVSKY, dans le journal "The independant" (Londres), publié sous le titre: "Et si Nicolas SARKOZY avait raison" dans "Courrier international" n° 36 (du 9 au 15 septembre 2010) p. 24
A la veille d'une Manifestation, à Montreuil, en faveur des RRoms pourchassés, il est bon, non seulement de marquer notre solidarité face à cette détresse toute humaine, mais aussi de revendiquer tout ce que notre culture doit aux Rroms. STAROBINSKI a mis en lumière, à cet égard, certains traits de notre Tradition qui sont, de manière évidente, liés à des pratiques Artistiques nomades et festives, sources pour nos ancêtres de plaisir et d'intensité. L'essai intitulé "Portrait de l'Artiste en Saltimbanque" recense les nombreuses influences et allusions que nos Ecrivains et Artistes ont essaimé dans leurs oeuvres. Apollinaire, dont je dirai, ce soir, un poème au Club des Poètes, n'est pas le seul héritier de cette ancienne tendance. Rendez donc visite à CAZOTTE, MUSSET, WATTEAU, BAUDELAIRE, PICASSO et PIEYRE DE MANDIARGUES.... Le Tzigane se glisse partout ! Parfois, bien sûr, il est le vecteur d'une "inquiétante étrangeté". Mais les Créateurs, souvent, se reconnaissent en lui. Lorsqu'ils font son portrait, c'est eux -mêmes qu'ils mettent en scène. Eux aussi, comme dans le texte de FLAUBERT qui circule sur le NET, se vivent comme des parias, rejetés par des Bourgeois (pourtant moins arrogants et bling-bling que les nôtres !) dont ils méprisent les valeurs (tout en les jalousant parfois !)
Mais STAROBINSKI insiste sur l'ironie et l'autodérision qui anime ces très nombreuses oeuvres. C'est comme si, dans une certaine mesure, le Bohème intégrait le regard des Maîtres du moment et se toisait lui-même avec dédain. C'est hélas une tendance fréquente chez les Humains: pour des raisons qui relèvent de la Psychanalyse, ils s'identifient à leurs Persécuteurs.
Notre critique, s'il pointe bien les occurences de l'Art Rrom dans notre Culture, leur fait, semble-t-il jouer un étrange rôle !
Nous fréquentons toujours des "clowns blancs" ("Complexe d'Arlequin") et des Augustes (ou bouffons: Laporte, Guillon, etc...) mais nous les tenons à distance.
Personnellement ,je me demande si STAROBINSKI, précurseur ! , ne tombe pas déjà dans les malheureux tics de notre "postmodernité". Vous savez, cette addiction au "light" , à la prétentieuse litote et à l'humour facile (tellement au "second degré") que je dénonce souvent dans ces pages.
Certes, l'OCTAVE des "Caprices de Marianne" (MUSSET) se décrit comme un danseur de corde, mais il pressent le vertige et tandis qu'il vient en aide au trop Romantique COELIO, son double secret, il prend appui sur lui, à tous les niveaux, pour survivre.
Très souvent, le regard que les Créateurs du passé porte sur les Rroms est, en réalité, plein de tendresse et de solidarité. c'est avec Désir qu'ils s'approchent de ces Fêtes (parfois, dans l'imaginaire, au moins, "galantes").
Ils y puisent, comme CHARLOT, des leçons d'Humanité, de convivialité.
Ils se mettent aussi à "bonne école". C'est très jeune qu'il faut observer les Maîtres, les écouter, apprendre. C'est très jeune qu'il faut se mettre au TRAVAIL. Travail sur la "matière" littéraire ou artistique, bien sûr. Il n'est jamais trop tôt pour faire ses premières armes. Mais l'Art n'est pas seulement artisanat. Il faut d'abord "travailler" sur soi-même, sur sa propre vie. Ce n'est pas donné: cela demande de l'audace, parce que l'on SE RISQUE. Et des efforts. D'incessants efforts. Et de douloureux sacrifices, souvent .
Pourquoi ? Pour être aimé du public, surtout. Et ce n'est pas gagné ! Sous le chapiteau, parfois, si peu de monde ! On joue quand même. Et l'on crève misère. Mais, c'est sûr, un jour...
De toutes façons, quoi qu'il arrive, sous les quolibets s'il le faut, l'ART et LA MANIERE, on essaie de les transmettre. Vaille que vaille. C'est notre Destin. C'est écrit dans les lignes de nos mains, de nos vies, comment ne pas le croire ? Comment ne pas le faire ?
Somme toute, résistants contre les persécuteurs des Rroms, nous autres, les Poètes et les Artistes, tellement méprisés, y compris par ceux-là qu'on nomme, bêtement, bourgeois-bohèmes, c'est pour nous aussi, et pour notre Public que nous résistons.
C'est une des forces les plus vives de l'âme de la vieille Europe qui est aujourd'hui mise en danger par les Technocrates, épris d'ordre et d'hygiène et leurs naïfs esclaves.
Dominique Gabriel NOURRY
STAROBINSKI: "Portrait de l'Artiste en Saltimbanque", Champs.
Sur la cassette: "Et vive la poésie" (Collection Club des Poètes), écoutez encore: "Jean-Pierre ROSNAY évoque le peuple "Romanichel" "
N.B.: La Bête immonde a de multiples visages et de multiples proies: un Juif vient d'être poignardé parce qu'il portait une étoile de David.