D'ici Dance

L'AMOUR DES TEMPETES

Il est tout juste midi. Après avoir dansé une bonne partie de la nuit, Phil et Vinca, tendrement enlacés, s'éveillent dans la vaste chambre de la Villa Colette, proche de Saint-Malo, qu'ils ont louée pour le mois d'août.

Le premier, Phil détend son petit corps de Breton râblé, s'étire et ramasse l'ouvrage tombé à terre que je lui ai religieusemennt prêté avant son départ. Il s'agit de "La marée" d'André Pieyre de Mandiargues, manuel pprécis et poétique à mettre entre les mains de tous les jeunes gens et de toutes les jeunes filles curieux des phénomènes naturels.

Le joli visage de Vinca la Méditerranéenne s'assombrit un peu lorsqu'elle s'assied sur le lit: par la vaste croisée, elle aperçoit un ciel contrasté où se faufilent, tour à tour, grisaille et rais de lumière. En outre, le vent se fracasse sempiternellement contre les arbres alentour et cela n'augure rien de bon pour l'après-midi.

Vinca, en effet, affectionne les longs bains de soleil et la nage harmonieuse et souple sous un ciel sereinement bleu.

Elle fait triste mine et garde le silence. Phil nne  dit rien non plus. S'il apprécie, comme la plupart des estivants, les journées de beau temps, il garde au secret de  son coeur une certaine tendresse pour les paysages tourmentés, la mer qui moutonne et les hautes vagues qui foisonnent. Surtout, il lui semble qu'ainsi, lorsque s'éloignent vers les rues commerçantes les bronzeurs dépités, il retrouve sa Bretagne natale, primordiale et cosmique. Quel bonheur d'avoir toute la plage, toute la mer, rien que pour soi! Les goélands, seuls, savent aussi bien profiter de l''aubaine et crient de joie.

 

Avant de sortir, superstitieusement, Vinca glisse, tout de même, comme des talismans, comme de Saintes Reliques, huile solaire et spray apaisant dans son sac de plage "Alaise Breizh".

Soucieux de la voir retrouver le sourire, lorsqu'ils approchent du Sillon, célèbre pour son sable fin et ses brisants, Phil dédaigne la plage et se dirige vers le Palais du Grand Large. Dans le cadre du festival "La route du Rock" doit s'y produire, cet après-midi même, la mystérieuse Hope Sandoval, aussi diaphane qu'une fée sur le papier glacé du programme.

A peine quelques instants plus tard, c'est la voix aérienne de la chanteuse, accompagnée du  groupe "The warm inventions", qui les entraîne dans son sortilège. Sans aucun doute, Elfes et Korrigans sont aussi du voyage car l'enchantement semble sans merci. Nos deux amoureux, main dans la main, fascinés par les ombres qui se profilent à peine sur la scène, s'abandonnent au rêve....

 

Il faut toute l'insistance du vent et d'une fine bruine pour les éveiller lorsqu'ils retrouvent les incertitudes du monde extérieur. Ils escaladent les remparts pour mieux voir la mer qui, basse en fin de matinée, a déjà bien remonté.

Vinca, désorientée par l'ingratitude du climat, se laisse guider. Phil la conduit sur la plage du Bon Secours. Un passage, uniquement dégagé à marée basse, mais encore très provisoirement viable, permet d'accéder à l'île du Grand Bé. Dans l'Antiquité siège d'un lieu de culte consacré par les Druides, elle a accueilli, au seuil du Romantisme, la tombe de Chateaubriand qui a voulu, ainsi, toute sa mort célébrer sa ville natale.

Il est à noter que Sartre,  un philosophe existentialiste du XXe siècle, a cru bon d'y laisser son empreinte animale, comme n'importe quel mammifère, soucieux , sans doute, de mieux baliser son territoire dans l'Empire des Lettres.....

Qui, dans  le fond, s'est montré le plus vaniteux? Dommage: Sartre -il l'a souvent montré- valait mieux que ce geste dérisoire et vulgaire!

 

Lorsqu'ils s'approchent de la tombe que jonchent quelques fleurs séchées, Phil et Vinca baissent la tête pour se recueillir, tout en écoutant mieux encore le fracas de la tempête. Ensuite, silencieusement, ils s'asseoient sur l'herbe et contemplent la mer. La marée est, à présent, suffisamment haute pour qu'il soit impossible de regagner la cité malouine. Ils sont, pour quelques heures, absolument seuls et captifs de l'île, dans leur vaisseau de granit.Tous deux, ils le savent et le même immense Désir les anime. C'est un Désir tramé de la tourmente du ciel, du déchirement des flots et des cris des oiseaux en délire. Un à un,sans souci de la pluie, de la bourrasque et du froid, ils se défont de leurs vêtements. Anoraks, pantalon, jupe et sous-vêtements glissent doucement dans l'herbe humide. Ils s'appartiennent l'un à l'autre comme ils appartiennent à l'Univers. Chaque caresse est une Parole, LA Parole, chaque Parole encore un geste tendre. Ils se frôlent, s'éloignent, se regardent, se rapprochent, se sourient. Cette envie folle qu'ils ont l'un de l'autre, et de la Vie, de toute la Vie, ne leur a jamais paru aussi nécessaire, aussi évidente. Et c'est lorsque redoublent le vent et l'averse, dans les tous premiers frissons du soir, qu'ils s'unissent enfin.

 

 

Dominique Gabriel NOURRY



19/08/2010
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